— Entretien avec Angelin Preljocaj, propos recueillis par Maiwenn Rebours
Lorsque vous remontez une œuvre de votre répertoire, comment s’effectue votre choix ? Pourquoi telle œuvre plutôt qu’une autre ?
Il y a des pièces que nous reprenons dans une idée de transmission pour la jeune génération. Chaque année avec le Ballet Preljocaj Junior, nous reprenons un ou deux spectacles du répertoire comme récemment Personne n’épouse les méduses, une pièce de 1999. C’est toujours intéressant de voir de nouveaux interprètes s’emparer d’un spectacle, créé alors qu’ils n’étaient pour certains même pas nés, et de le voir résonner dans une autre époque. Il nous arrive aussi de remonter des pièces si elles nous sont demandées comme par exemple Roméo et Juliette qui a pu marquer les esprits et reste d’actualité, l’histoire continue plus que jamais à fabriquer des amours impossibles.
Pourquoi Annonciation et Noces ?
Dans le cas de Noces et Annonciation, c’est un peu différent, cela répondait à l’idée de Jean-Paul Montanari de mettre à l’honneur le répertoire contemporain. Ces deux pièces, l’une de 1989, l’autre de 1995, ont été marquantes dans la vie de la compagnie, et toutes deux reprises au répertoire de nombreuses compagnies internationales. Elles sont en cela emblématiques du répertoire contemporain. Et puis en accord avec Jean-Paul Montanari, pour compléter la soirée et reprendre la thématique de cette édition 2023 du Festival Montpellier Danse, j’ai eu envie de faire une création. Comme un trait d’union, ancré dans le passé mais toujours tourné vers l’avenir.
Préférez-vous créer ou remonter ? Quels sont les enjeux artistiques de chacune de ces démarches pour vous ?
Ce sont deux processus très différents. Dans le cas de la création, ma réflexion commence très tôt, il faut un temps de maturation où je lis beaucoup, je vais voir des tableaux, des sculptures, des films, je me nourris beaucoup. Quand je commence une nouvelle séquence, je sais de quoi je veux parler, mais c’est en studio que je me mets à travailler « physiquement ». J’aime bien l’idée qu’il y ait un jaillissement, une spontanéité, je ne peux pas commencer à faire de la pantomime, il faut une forme d’abstraction. Et même lorsque l’on va très loin dans l’abstraction, le corps nous rattrape toujours, car il est concret, réel.
Quand nous remontons une pièce, c’est totalement différent. Tout est déjà écrit, il y a d’ailleurs une partition chorégraphique, c’est aux interprètes de s’approprier le mouvement, sans pour autant copier ceux qui l’auront dansé avant eux, mais les enjeux ne sont pas du tout les mêmes. Les deux me semblent complémentaires. Pour moi, le danseur est un partenaire. Chaque création ressemble aux danseurs qui les traversent et c’est le cas aussi quand de nouveaux interprètes reprennent les pièces, ils l’abordent à des époques différentes, avec des corps et des cultures chorégraphiques différentes.