Entretien avec Arkadi Zaides
Propos recueillis par Montpellier Danse, novembre 2023.
Nous vous avons accueilli il y a trois ans avec NECROPOLIS, oeuvre qui a beaucoup saisi les spectateurs sur la mémoire des réfugiés morts anonymement en tentant de rejoindre l’Europe. Avec THE CLOUD, vous vous intéressez à un autre événement de notre société, pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Nous nous intéressons et abordons le concept de cloud et plus précisément le concept d’hyperobjet développé par Timothy Morton. Ce concept parle des moments actuels où nous ne pouvons pas vraiment percevoir des situations globales et vastes. Nous pensons à l’écologie, à l’énergie nucléaire, ou au dérèglement climatique. Ces idées qui sont partout, nous ne pouvons ni les saisir ni les attraper. Nous avons décidé de nous engager avec l’intelligence artificielle (IA) : un hyperobjet d’actualité. C’est une sorte de nuage, qui est partout et nous entendons beaucoup parler des dangers de cette nouvelle technologie. Nous ne savons pas comment elle va se développer, s’étendre et comment elle influencera l’humanité. Nous avons décidé de nous engager avec cette technologie pour discuter d’un autre nuage, d’un autre hyperobjet. Nous avons créé un dispositif dans lequel nous pouvons nous engager avec l’IA et communiquer avec cette intelligence.
Le nuage de l’intelligence artificielle peut-il gérer le nuage naturel ?
Nous avons demandé à l’intelligence artificielle de cartographier un nuage réel. Sur le nuage réel, tous les points bougent en permanence. C’est précisément ça qui est difficile pour l’IA : capturer le nuage naturel. Les chercheurs ne savent pas vraiment ce qui se passe dans les IA. Nous avons passé une étape où l’intelligence artificielle est quasiment indépendante. Les mots utilisés pour qualifier l’intelligence artificielle sont les mêmes utilisés pour parler des catastrophes écologiques. C’est cette proximité qui est très intéressante pour nous en travaillant et en s’engageant avec ces technologies.
Comment passe-t-on de votre observation presque scientifique à une performance ?
Dans mon travail, il y a toujours ce questionnement de savoir comment porter une information réelle, documentée et liée au monde, afin de l’inclure dans la performance. Ce projet se développe dans ma démarche depuis dix ans maintenant. La question est toujours la même : comment pouvons-nous discuter du monde autour de nous avec l’engagement et le matériel réel ? Ici, nous avons un co créateur : l’intelligence artificielle connectée à toutes les informations sur Internet. Elle a un accès à une vaste quantité de documents, c’est un hyperobjet. Il y a bien sûr ce rapport aux fake news que peut générer ce système, notamment avec les discours environnementaux et sur les catastrophes écologiques. Il y a toujours des documents, des informations qui manquent, ou que quelqu’un essaie de cacher. C’est intéressant de voir comment l’IA peut proposer une narration pour articuler les informations manquantes. Il y a deux écrans sur scène et nous utilisons ce dispositif numérique pour s’engager avec les IA. Il y a aussi l’humain qui s’engage avec cette intelligence et est dans le même espace. Comment ce type de communication peut-elle se développer au niveau des paroles, au niveau du son, de l’image et au niveau du corps ?